Jana Cerná
La Contre Allée | 2016 | 8,50 €
Vous l’aviez compris dès le début, ce petit texte devrait donner chaud aux plus prudes d’entre nous. Mais ce serait terriblement réducteur de le cantonner aux salves érotiques telles qu’on en trouve publiées par poignées : le livre de Jana Cerná est l’un des plus beaux élans passionnels sur l’amour, l’incandescent, celui qui ne se mesure pas, et qui bouscule tout ce qui passera devant lui. Cumulant la forte charge charnelle aux grands questionnements philosophiques, le texte de l’autrice est -entre autres- la description d’un infini et inconditionnel amour pour son amant d’alors, Egon Bondy, avec qui elle partage également d’être une figure emblématique de l’underground culturel et militant de la Tchécoslovaquie dans les années 60.
Mais de simples activistes qui s’aiment passionnément ne sauraient décrire un tel manifeste de façon aussi ample : Jana Cerná est une femme fantasque, une des grandes porte-paroles de la dissidence tchécoslovaque, incroyable bouillonnement politique, culturel, intellectuel, social qui surgit à la suite du stalinisme. Elle est poète, dramaturge, écrivaine, et juste avant le Printemps de Prague, elle signe une sorte d’ôde à la liberté comme on en a rarement lu : cette lettre d’amour, écrite à la suite d’un de ses poèmes, piétine la convenance et la censure, est un manifeste pluriel et intense qui ne devrait laisser personne indifférent.
Quelle vie que celle de l’actrice : née à Prague en 1928, son père était le célèbre architecte Jaromir Krejcar, et sa mère Milena Jesenska, journaliste et écrivaine notamment connue pour ses échanges épistolaires avec Kafka.
Jana Cerná, quant à elle, découvre le surréalisme, écrit de la poésie, se marie plusieurs fois, abandonne ses cinq enfants, et meurt dans un accident de voiture à 52 balais. Mazette ! Ce fût court mais intense.