Anacharsis | 2016 | 15 €
[traduit de l’anglais par Frédéric Cotton ; préface de Richard White]
Nous vivons une période où l’histoire telle qu’on nous l’a longtemps racontée n’a jamais paru aussi imparfaite, tronquée, réductrice. Grâce notamment à de multiples travaux universitaires qui éclairent quelques recoins encore sombres (où les autorités successives n’ont pas manqué de laisser moisir quelques chapitres bien à l’abri de la lumière), la grande histoire n’en finit plus de se raconter, et les éditeurs ne sont pas en reste.
Anacharsis possède quelques pépites lorsqu’il s’agit d’ouvrir grand les vannes de l’histoire des peuples « sans écriture » : ces travaux foisonnants sont précieux, méthodologiques, souvent passionnants.
C’est le cas de ce livre qui expose l’histoire d’un empire qui ne figure que très peu dans les manuels d’histoire, comme tant d’autres exemples d’épisodes piétinés par le geste colonial. Au cours des 18ème et 19ème siècle, les Comanches ont posé les bases d’une organisation sociale et économique assez bluffantes. Leur emprise économique et stratégique dans une vaste part de l’Amérique du Nord est indéniable, les posant comme interlocuteurs incontournables pour les autres acteurs indiens ou pour l’envahisseur européen, le tout sans structuration bureaucratique ou projet politique tels que définis ailleurs. Le territoire qu’ils occupaient ne correspond guère à ce grand terrain de jeu vierge et sauvage pour les étrangers, tel qu’on le présente trop souvent avec force cliché.
Ce modèle est présenté ici, dans un récit haletant paru en 2008 aux États-Unis, et devenu depuis un classique du récit historique flanqué de nombreux prix et reconnaissances. En grand contre-récit de l’histoire américaine traditionnelle, il prend le temps de redonner une place digne de ce nom aux peuples autochtones, à revisiter l’histoire coloniale, à émettre l’hypothèse d’un inversement significatif de l’expansion européenne en Amérique du Nord alors que celui-ci atteignait son apogée, via quelques valeurs sûres qui auront fait leurs preuves dans l’histoire de l’humanité : l’élevage, la chasse, le commerce, le pillage, l’esclavagisme. Et après la grandeur, la décadence, puis le début de la longue et lente agonie d’un peuple.